Management sportif

Depuis quelques temps j'ai décidé de freiner un peu, entre autres au niveau de mes différents blogs, et de changer un peu de manière de m'inscrire dans la société. Je souffre quelque peu d'une certaine perte de cohérence métaphysique momentanée mais peu importe, j'y gagne aussi en santé mentale après tout (je ne suis pas un immortel). Il faudrait notamment que je mette à jour mon blog de procrastination puisque une petite cinquantaine de mini articles attendent depuis parfois plusieurs années.
Bref. Il y a quelques années, lorsque j'étais apprenti-blogger, en pleine ère du web 1.0, c'est à dire avant même que le blog n'existe, j'avais écrit un petit article (pas une page perso, c'était plus conceptuel que ça) sur  une mise en oeuvre réaliste et décomplexée du management sportif dans un cadre professionnel. Depuis quelques mois je repense à cet article, inspiré par une certaine actualité autour de travail "volontaire" le dimanche. Le fait que le patron de mon entreprise y ait justement fait référence ce soir tandis que ce midi même une émission sur France-Culture était consacrée au travail du dimanche est une coïncidence des plus cocaces.

Dans ma courte vie, au regard de l'humanité au moins, il m'est arrivé d'être un petit sportif du dimanche et même plusieurs autres jours d'une même semaine. En ces temps-là j'étais beau, intelligent... jeune. Je n'ai donc pas forcément grand chose à reprocher au sport. Aujourd'hui ce thème est à la mode et est une sorte d'exemple, en fait un fantasme, de l'engagement individuel dans l'action collective, quand bien même le sport serait individuel ou collectif (il s'agit toujours d'une articulation, l'homme ne pouvant atteindre la complétude). Ai-je publié un jour cet article promis, comportant de  trop nombreuses pages, sur les JO de Pékin, avec telle ou telle identité ? Je ne crois pas. Après ce premier article ou je me demandais s'il fallait ou non regarder les JO de Pékin, j'en ai pourtant bel et bien écrit un second plus touffu, mais aujourd'hui encore secret, sur la performance et le haut-niveau, le bouleversement qu'introduit la nouvelle excellence industrielle chinoise dans la construction du spectacle occidental, sur Mozart comme figure du génie, les Ménines comme multitude d'objets uniques de représentation multiple de discours pliés sur eux-même et interprétables indépendamment les uns des autres... et la Chine si excellente dans la représentation qu'elle s'investit déjà dans une société post-industrialisée, à l'image de ses plongeuses aux performances si ahurissantes que l'idée de classement final ne fait plus partie du suspens (un peu comme cette finale de Wimbledon à partir du 20è jeu du cinquième set entre Roddick et Federer, lorsque l'orgasme ne se termine plus et que la finalité première du match, définir un vaincqueur, n'a plus aucun intérêt).

Tandis que nous commençons à prendre conscience que tout l'intérêt de la télé-réalité est dans le miroir tendu au travail avec les trop rares procès qui lui sont intentés, le sport continue de dérouler le thème volontariste entre le guignolesque Husain Bolt un peu pathétique et le nourreïevien Rodger Federer trop élitiste. Evidemment au cinéma les films de super-héros s'enchaînent à un rythme soutenu et de plus en plus novateurs pour continuer de nous diriger vers la tragédie grecque mais le sport, parce que couvert encore principalement par des journalistes qui veulent accompagner le 20è siècle dans sa tombe, n'en est pas encore au mythe polythéiste.

Le sport c'est un très beau spectacle et il est évident que c'est  par ailleurs une école de vie des plus intéressantes. Mais il est vrai aussi que suivre les péripéties de Ribéry entre Munich et Madrid n'évoque pas l'ancien monde des gentlemen lorsque le sport était une pratique plus ou moins réservée à des nobles. Parler de démocratisation serait une erreur car la noblesse, qui certes se redéfinit, n'est pas encore morte. Il est possible ainsi qu'il ne s'agisse encore que d'un autre déplacement, que d'une représentation dont l'industrie est coutumière. Mais le sport-spectacle vu comme summum de l'engagement collectif est un passage obligé vers son aufhebung que seuls quelques héros tragiques ont bel et bien atteint dans nos temps contemporains (ils sont reconnaissables, mais les nommer ici serait déplacé, mon discours ne s'inscrit pas dans un récit et d'ailleurs cela me fait penser que j'ai un récit tout prêt à être publié ici même), comme l'industrie est un pont vers l'homme (c'est à dire qu'en tant que post-nietzschéen je considère le surhomme, et dont l'homme serait le pont, comme un fantasme dépassé). Le spectacle, outil d'aliénation par certains aspects, est surtout moteur d'émancipation lorsque la crise qui est son fondement premier s'installe trop longtemps. Le changement de civilisation est inévitable et il faut le prendre comme une chance plutôt que de s'inscrire dans des combats d'arrière-garde qui finissent de justifier un diagnostic pourtant erroné.

On peut se souvenir des déclarations médiatiques un peu perturbantes d'Emmanuel Petit lorsque celui-ci sévissait encore à Arsenal. Bien entendu il a été moqué puisque la justesse de ses propos ne pouvaient appeler qu'à une interrogation plus vaste que toute réponse organisationnelle. Lorsque aujourd'hui l'usager qui nait milite pour l'ouverture des supermarchés le dimanche il est repoussé par les institutions et les entreprises dans une position de client, tout comme il l'est lorsque les salariés concernés crient au scandale. Le travail le dimanche n'est pas une hérésie (et je prône d'ailleurs l'instauration d'une semaine tournante de 8 jours) mais une véritable révolution du travail, et ce de toutes les institutions étatiques jusqu'à la mise à mort de la térritorialisation de la Nation. Un peu plus et, comme le sport, il s'agit d'une émancipation, d'une gestion écologique des interdépendances qui articulent un individu à un collectif, une saine multilatérale questionnant la performance, la compétence mais aussi la simple utilité quotidienne et donc un progrès non plus matériel mais de notre espèce elle-même (il s'agit donc ici d'un article que je pourrais aussi classer dans la catégorie Particeps d'inBlog...). C'est à dire que si les luttes sociales sont sans doutes utiles pour réagir au genre de bêtises véhiculées en ce moment, y répondre par des inepties de même teneur est sans doute contre-productif. Et finalement la meilleur réponse est peut-être encore de foncer droit dans le mur et plusieurs fois de suite jusqu'à ce que tous les morceaux de l'ancien monde se soient étalés en une belle fresque rouge, artistique. Le sport, et ma foi regardons de près celui qui se joue aujourd'hui et qui n'est déjà plus celui d'il y a ne serait-ce que 8 ans, ne peut aboutir qu'à l'inverse des objectifs sociétaux qui lui sont fixés.

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