Affichage des articles dont le libellé est JO. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est JO. Afficher tous les articles

Laure Manaudou et la première place


Je ne suis pas encore revenu sur les JO de Pékin. De nombreux phénomènes s'y sont déroulés et j'ai dans la tête (en fait j'ai même écris plein d'articles sérieux sur le sujet mais ils ne me paraissent pas satisfaisants) une analyse plus ou moins complète sur ce qui s'est passé de fondamental.
L'un des évènements les plus intéressants, pour moi, s'est déroulé autour de Laure Manaudou et de ses victoires manquées.

Tout d'abord, personnellement, son histoire me touche un peu. Notamment autour de ces photos mises sur internet. Je ne trouve pas que l'image de Laure Manaudou soit abîmée (elle est nue mais comme beaucoup de gens, au moins quand ils changent de slip), et il me semble que cela montrerait même une certaine joie de vivre, soyons francs. De plus la médiatisation du corps ne change pas grand chose au caractère (plus ou moins) magique du passage d'une relation publique à une relation intime. Mais il s'agit finalement d'une histoire de confiance trahie, comme pour toutes les autres histoires qui gravitent autour de sa médiatisation (méritée ? aucune médiatisation ne sera plus méritée une fois démystifié le pouvoir de l'image... il n'y a que les vieux pour y croire encore).
Mais le plus important c'est que je ne vois pas bien la contre-performance. Si de son côté elle peut exiger plus d'elle-même, le "Travailler plus pour gagner plus" ne peut (toujours) pas s'appliquer comme programme politique. Et on sent bien que tous les jugements médiatiques ou particuliers se basent plus ou moins sur cette idéologie, comme si la jolie nageuse avait détourné des moyens que la société avait investis. Mais l'investissement dans l'innovation, l'art ou le sport ne peut pas se calculer au regard d'un résultat quantitatif et c'est bien là que réside le fondement des crises encore à venir de l'ère industrielle.

Petit à petit on sent que les USA sont prêts à basculer du calcul du nombre de médailles d'or à celui des médailles en général. Mais lorsque toutes les médailles seront elles aussi trustées par la Chine ou d'autres pays en pleine révolution industrielle ou par la Jamaïque ou d'autres pays proposant un développement de niche sur certaines disciplines, ou faudra-t-il regarder ?
Je pense que si la compétition n'est pas un mal en soi il va s'avérer très vite que d'autres valeurs existent aussi dans le sport, que le spectacle est général, que sa qualité passe par une mise en scène de qualité et non une simple flatterie de l'ego, que la Nation n'y est d'ailleurs déjà plus pertinente.
Ainsi je ne suis pas d'accord avec Marielle Goitschel qui voit une certaine trahison chez les entraîneurs français partis préparer les escrimeurs chinois. Car la question n'est plus de savoir si on est le meilleur parmi des mauvais mais de savoir si on est bon. Il s'agit d'augmenter le niveau général de la performance quand bien même le spectateur, de manière générale le client devenu usager, ne saurait plus à l'avance qui serait le meilleur.

Dans la société du spectacle lorsque le consommateur est un usager d'un service, la place de n°1 n'a plus d'intérêt et l'excellence n'est plus quantitative. L'investissement de la société ou le mécénat privé n'offre plus une quelconque propriété sur la production, immatérielle, mais une condition de la sérendipité.

Boycott des JO de Pékin ?

Faut-il boycotter télévisuellement les JO de Pékin ?
Je me pose cette question parce que j'aime bien regarder le sport à la télévision. Pas forcément tous les sports, je n'aime pas le judo de compétition par exemple parce qu'il met en exergue les comportements non fair-play, mais j'en aime beaucoup et les JO représentent donc pour moi une densité d'occasions de passer de bons moments assez exceptionnelle. Enfin il ne s'agit que de potentialité de me retrouver devant la télé parce que des plaisirs il y en a plein et la télévision n'est pas forcément le plus grand.
Il y a quatre ans je n'ai pas particulièrement suivi les compétitions. J'avais bien aimé le marathon féminin, l'image de cette femme d'apparence si fragile, courant seule sur de grands axes routiers complètement vides dans un paysage urbain baigné d'un soleil de fin d'après-midi. C'est l'image que je retiens: une image télévisuelle donc.

Les JO sont cette année à Pékin, dans une Chine en pleine révolution industrielle (notre président français se croit lui aussi en pleine révolution industrielle mais justement il est déconnecté de la réalité), avec des problématiques de cohésion interne lourdes. Cette révolution industrielle n'excuse pas la dictature, la propagande, les entreprises coloniales (et en France l'abandon de toute idée de démocratie, l'industrialisation médiatique, les programmes de fermeture du web qui ne sont pas de la même mesure ne sont pas non plus défendables pour autant).
En l'occurrence les JO ne sont pas liés à ce phénomène, pas directement, nous y reviendront. Mais il n'est pas question non plus de passer sur les critiques non plus, de considérer que les JO sont déconnectés du monde sur ce principe "apolitique" tellement pratique qu'il est répété sans cesse. Ainsi je suis plus convaincu par l'argument de Marielle Goetschel qui souligne notre consommation de produits chinois en notant que regarder un autre programme que les JO sur un téléviseur chinois n'est pas politiquement très cohérent si les critères d'un boycott se construisaient vraiment par rapport au gouvernement chinois.

J'ai personnellement une autre opinion. Je pense que les JO représentent avant tout un évènement politique malgré toutes les déclarations d'hommes politiques qui disent le contraire et qui utilisent tous les moyens en leur possession pour le faire croire. Les JO modernes représentent un vrai programme politique internationnal en proposant le culte de la performance, le refus de toute prise de distance sur les moyens utilisés une fois les objectifs fixés, l'invention d'une existence qui serait basée sur la domination plutôt que sur la collaboration (la compétition n'est plus en cause).
Il n'est d'ailleurs plus vraiment question de sport:il faut des stars, c'est un capital comme les stars du cinéma qui sont "bankable" (il ne suffit pas qu'ils soient une garantie de revenus, ils sont explicitement une garantie déposée à la banque). C'est une mise en valeur de l'alliénation habituelle dans le monde du travail et Romain Mesnil s'octroie la moralité non plus en utilisant sa propre raison mais en suivant les règles, les objectifs qu'on lui donne et qu'il a assimilés, en ne se préoccupant que des consignes sociales qui le concernent.
Il faut donc des performances et on l'a vu avec le tennis, le football, le cyclisme cette année: ce qui compte ce n'est pas la population sportive, le haut-niveau n'a pas d'intérêt: ce qui compte c'est qui est n°1 sur la feuille de résultat. Ce n'est pas nouveau.

Boycotter la Chine ? Tous les arguments donnés par les partisans de cette voie sont très bons mais aujourd'hui sans trop savoir pourquoi je n'y adhère pas. Ainsi les manifestations en Europe sont des réactions aux gouvernements européens et ce sont bien ceux-ci qui se sont sentis mis en cause en convoquant leurs propres forces de l'ordre. En Allemagne, aux USA, les dirigeants se sont retrouvés dans l'obligation de faire des déclarations publiques assez militantes, de refuser la soumission à la Chine. En France en revanche l'idée de boycott fait son chemin dans la population pendant que ses "représentants politiques" minaudent, faisant mine de pragmatisme mais préférant finalement l'échec diplomatique assuré plutôt qu'un petit courage et un gros travail stratégique.
Finalement notre Sarkozy qu'on a assume tout à fait la politique chinoise, considérant d'ailleurs toute colonisation comme valorisante, l'industrie comme l'unique modèle valable, dans des reprsentations du monde datant du 19è siècle. Si boycott diplomatique il y a il ne peut se concevoir que comme une réaction à la politique européenne voire à la politique française tout simplement. Je pense néanmoins à ce sujet que supporter publiquement tous les adversaires des sportifs français auraient bien plus de poids. Ce serait sans doute un peu cruel pour ces derniers mais aussi très pédagogique, ce serait aussi à l'opposé du politiquement correct et nécessiterait beaucoup de courage, beaucoup d'effort de communication pour sortir des positions d'affrontement prédéfinies par les médias.

Le boycott des JO en général me semble beaucoup plus cohérent. Pékin a été choisi sur des critères principalement politiques, le spectacle s'explique avant tout par des objectifs mercantiles et le sport se conçoit comme un spectacle de la professionnalisation ici comme ailleurs. L'appellation est d'ailleurs incorrecte puisqu'il s'agit de tout sauf de jeu, désormais l'olympisme c'est très grave, convoque l'ascétisme, le sacrifice... et tout un tas de choses plus catholiques que cathodiques.
Personnellement je prends, peut-être temporairement, la décision dun non-boycott pour vérifier si comme promis, comme vendu, le specacle est bien au rendez-vous, si l'alliénation fait les héros, si la mise en scène vaut le coup de participer. Parce qu'un boycott ne se conçoit qu'en vue de proposer la communication d'objectifs autres que ceux qui nous sont imposés. La société du spectacle n'est pas à remettre en qestion puisque nous y sommes, il n'est plus question de dire que c'est un mal il nest plus question de dire non plus qu'il s'agit d'un daignostic erronné de réactionnaires: la société du spectacle nous l'avons voulue, nous l'avons. Il n'est pas question d'en conclure la fin de la Civilisation mais plutôt le début d'une évolution lente. Les JO sont bien en Chine en 2008, seront demain en Grande-Bretagne, plus tard au Brésil, au Canada, en Afrique du Sud sans doute mais pourquoi pas aussi en Arabie-Saoudite ou au Qatar, en Iran, au Maroc ou au Nigéria... boycott ou pas boycott il y aurait sans doute beaucoup de choses positives à y trouver.

Le citoyen est transformé en consommateur par les grandes entreprises (JO compris) ? Je pense que celles-ci n'y trouveront pas forcément leur compte et l'alliénation, par le sport ou par autre chose, ne pourra pas fonctionner, notamment parce qu'aucune société ne peut y survivre. De consommateur à usager je vais donc regarder s'il y a quelque chose à penser de tout ça.

Jeux Olympiques et interdépendance

Devons-nous boycotter ou non les JO de Pékin ?
Je ne suis pas sûr et je me demande si, par exemple, s'y rendre puis s'en aller en cours d'évènement ne serait pas un peu plus marquant par exemple. En tous cas il s'agit d'un problème avant tout diplomatique et nous avons collectivement désigné des responsables pour s'occuper de ces problèmes et pour trouver des moyens d'action en rapport avec l'ensemble de nos objectifs.

Mais écoutons un peu les sportifs. Ils ne sont pas diplomates et prennent soin de ne pas prendre position au sujet de problèmes internationaux ou internes à un pays qu'ils ne connaissent pas. Mais ils vont plus loin en expliquant qu'il serait injuste de mettre à la poubelle toute une partie de leur vie, que parfois une médaille olympique est en jeu et qu'il s'agit de quelque chose de très important, qui vaut même quelques sacrifices personnels. Et il est vrai que ne pas courir un 100m n'arrêtera pas la guerre dans tous les coins du monde.
J'affirme (! et oui) que tout sportif normalement constitué n'arrivera pas à performer dans un stade ou la moitié des spectateurs est en train de se faire tirer dessus par l'autre moitié, même si sa propre sécurité n'est pas en jeu et y compris si la retransmission télévisuelle est garantie. Est-ce parce que le sang c'est salissant et que ça cacherait leur sponsor ? Je ne sais pas vraiment (sincèrement je pense qu'une fusillade n'est propre qu'au cinéma).
J'ajoute que si les tibétains leur proposent, directement ou indirectement, des stades qui leur permettent de bien courir alors ils feraient mieux de tendre l'oreille sur leur problèmes plus fondamentaux. Ainsi je me dis qu'il serait bon, pour la rehiérarchisation des objectis de vie de la plupart des sportifs qui seront présents, qu'un des leurs fassent une bêtise, peut-être sans s'en apercevoir, un lapsus, peu importe. Qu'un de ces héros des temps modernes se retrouve victime, non pas sportivement mais dans une remise en place dans le cadre de la survie, d'un dommage collatéral de l'organisation sociale à l'origine de leur activité professionnelle ou amateur.

Une médaille n'est jamais due, elle est toujours donnée.